La Nature et Nous ! Éditorial Trimestriel 02-18 par Jacques STEIN.

La Nature et Nous !

Par Jacques STEIN.

Fin mai – début juin 2018, la Nature nous a à nouveau rappelé l’impuissance de l’Homme face à des éléments qu’il ne maîtrise absolument pas : orages violents, productions agricoles détruites par la grêle, pluies diluviennes, rivières déchaînées, coulées de boue, caves et commerces inondés, …la liste est longue !

Mais on peut ne pas rester sans rien faire quand même ! Notamment en respectant « pour du vrai » les engagements pris en matière d’impacts sur le climat (diminution des émissions du CO2 et autres GES[1], énergies renouvelables, économies d’énergie, incitation à une meilleure isolation des bâtiments, maintien des espaces boisés, mesures préventives anti-coulées de boue, reconstitution du maillage bocager, …).

En ce qui concerne la partie vivante de la Nature, la Biodiversité, il serait grand temps également de prendre sérieusement les choses en main. La débauche de Journées Mondiales ou Internationales ou Européennes de  la Biodiversité, des forêts, des espèces menacées, de la vie sauvage, des zones humides, de Natura 2000, des abeilles, … nous interpelle. Pourquoi toutes ces Journées si tout va bien ? N’est-ce pas plutôt mauvais signe ? Ou en tout cas le signe que des politiques, des stratégies doivent être mises en route au plus vite.

Certes, il faut admettre, et c’est quand même relativement nouveau dans de telles proportions, que les médias répercutent de plus en plus fréquemment les informations relatives à la Biodiversité, tant au niveau des actions positives que des rapports alarmants…

Ainsi, en mars dernier, lorsque, à la suite de la publication des Rapports de la Plateforme Intergouvernementale pour la Biodiversité et les Services Ecosystémiques (IPBES)[2], 270 scientifiques belges appellent notre Gouvernement à sauvegarder la Biodiversité.

Et il y a de quoi en effet… « Selon les évaluations, préparées par plus de 500 experts internationaux provenant de plus de 100 pays, la situation est sombre. Par exemple, l’évaluation régionale pour l’Europe et l’Asie Centrale montre que dans notre région, la population d’environ la moitié de tous les animaux et plantes marins (pour laquelle nous avons des données) a diminué au cours de la dernière décennie. Les espèces d’eau douce subissent également une pression énorme, car les rivières, les ruisseaux, les lacs et les étangs dans lesquels ils vivent sont les habitats les plus menacés en Europe et en Asie centrale. Les espèces et les écosystèmes terrestres ne sont pas épargnés : seuls 16% des habitats terrestres de l’Union européenne ont un statut de conservation favorable (sur la période 2007-2012). Depuis les années 1980, l’abondance des espèces d’oiseaux des terres agricoles a diminué de 57% en Europe occidentale et centrale, et la diversité de nos cultures agricoles a également considérablement diminué. Globalement, les plantes et les espèces animales disparaissent actuellement entre 100 et 1000 fois plus vite que le taux d’extinction naturel ; ce que certains scientifiques appellent le début de la sixième extinction de masse ».

Rappelons une fois encore que « la Biodiversité est reconnue mondialement comme la pierre angulaire des écosystèmes sains. Elle constitue la base de tous les «services» produits par la nature. Ces « services écosystémiques » nous fournissent de la nourriture et des médicaments, offrent les matières premières nécessaires à l’activité économique et à l’innovation, permettent toute une gamme d’activités de loisirs, nourrissent nos besoins spirituels et inspirent nos créations artistiques. La biodiversité offre également des services de régulation tels que la production d’oxygène dans l’atmosphère, la régulation de la qualité de l’air, la régulation du climat, la purification de l’eau, la fixation de l’azote dans nos sols et la pollinisation. De plus, la biodiversité nous rend plus résistants et résilients. Alors que la biodiversité disparaît, les écosystèmes deviennent moins résilients et tous les services qu’ils offrent disparaîtront également. La biodiversité a aussi une valeur intrinsèque : les espèces sont le produit d’un long processus évolutif, et elles ont donc le droit de continuer à exister, qu’elles soient ou non utiles à l’homme ».

On connaît les grandes causes de l’érosion de notre patrimoine de la Biodiversité : l’intensification de notre agriculture, le changement climatique, le développement urbain, la surexploitation et l’utilisation non-durable des ressources naturelles, la pollution de l’air, des terres et des eaux, le nombre croissant des espèces invasives et leur impact, etc. Tous ces facteurs étant largement interconnectés.

Pour renverser la vapeur, une série de recommandations : l’intégration plus efficace de la diversité biologique parmi un ensemble de secteurs, de politiques et d’acteurs, grâce à une sensibilisation accrue, à une définition plus claire des objectifs politiques et à une meilleure conception et utilisation des instruments politiques. Mesurer le bien-être national au-delà des indicateurs économiques actuels, et utiliser des réformes fiscales écologiques qui offrent des incitations claires à passer au développement durable. Accroître l’intégration d’un large éventail de parties prenantes dans les processus de gouvernance, ainsi que des financements adéquats provenant de sources publiques et privées afin de renforcer les capacités institutionnelles et la recherche.

Les 270 scientifiques belges concluent : « L’avenir de l’homme dépend de la biodiversité. Il est temps que nous en fassions tous la plus haute priorité ».

Bon ! Et puis ?

Il semble clair qu’il faille prendre des mesures urgentes pour la sauvegarde de la Biodiversité. Oui ! Bon ! Mais est-ce bien pour nous tout ça ?

Ben oui ! Ainsi qu’en témoigne le rapport sur l’Etat de l’Environnement wallon 2017[3], notamment son chapitre consacré à la Biodiversité.

« Sur la période 2007-2012, l’état de conservation des habitats naturels d’intérêt communautaire est considéré comme défavorable pour 88% du nombre d’habitats concernés en région biogéographique continentale (RBC) et pour 96% en région biogéographique atlantique (RBA).
En ce qui concerne les espèces, l’état de conservation est considéré comme défavorable pour 63% du nombre d’espèces concernées en RBC et pour 71% en RBA. En outre, selon les listes rouges établies pour différents groupes d’espèces, 31% des espèces animales et végétales étudiées sont menacées de disparition à l’échelle de la Wallonie et près de 9% ont déjà disparu du territoire régional selon les évaluations réalisées sur la période 2005-2010.
Chez les poissons, les reptiles, les papillons de jour et les libellules, plus de la moitié des espèces sont en situation défavorable.
 L’objectif européen de stopper le déclin de la biodiversité à l’horizon 2010 n’a donc pas été atteint en Wallonie.
En ce qui concerne l’avifaune, les populations d’oiseaux communs sont globalement en diminution sur le long terme ; les espèces des milieux agricoles sont celles qui ont montré la diminution la plus flagrante. Un nouvel indicateur fait état de l’impact croissant des changements climatiques sur les populations d’oiseaux. Parmi les autres pressions exercées sur les habitats et espèces, les plus fréquemment identifiées sont l’intensification agricole, la fragmentation et l’artificialisation des habitats, l’incidence de pollutions comme l’eutrophisation et la présence d’espèces exotiques envahissantes ». Sans parler de l’azote eutrophisant, ou des forêts (dans lesquelles on n’arrive pas à atteindre le taux de bois mort recommandé en 2008, ce qui ne semble pourtant pas si dur, ni la quantité de gros arbres ou la diversité des espèces ligneuses, ni l’équilibre forêt-gibier dont on nous rabâche les oreilles depuis des décennies, en plus des phénomènes de défoliation et de décoloration du feuillage), ou de la fragmentation des cours d’eau, …

Mais les chauves-souris wallonnes semblent aller mieux ! Tandis que les moineaux bruxellois ont disparu à raison de 95% de leurs effectifs…

Difficile d’imaginer dans ces conditions qu’on va atteindre les objectifs de la pourtant peu ambitieuse[4] Stratégie Européenne (il n’y en a pas en Wallonie) de la biodiversité pour 2020 qui vise à protéger et améliorer l’état de la biodiversité et diminuer les pressions les plus fortes.

Ce qu’il faut évidemment, c’est une vraie politique wallonne de la Biodiversité reposant sur une vraie stratégie wallonne de la Biodiversité. Pas de stratégie, pas de politique !

 

[1] Gaz à effet de serre

[2] L’IPBES est à la Biodiversité ce que le GIEC est au climat.

[3] http://etat.environnement.wallonie.be/home.html

[4] http://www.iewonline.be/Strategie-biodiversite-les-molles-ambitions-de-l-Europe